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Banner Comment l'irrigation au goutte à goutte peut-elle contribuer à atténuer l'effet du changement climatique dans les vignobles ?

Comment l'irrigation au goutte à goutte peut-elle contribuer à atténuer l'effet du changement climatique dans les vignobles ?

Avant de parler d’irrigation de la vigne, il convient d’expliquer que la vigne s’adapte parfaitement aux contraintes hydriques modérées. C’est la précocité et l’intensité de ces contraintes qui nuisent aujourd’hui à la vigne. Parallèlement à cela, la vigne « répond » très bien à l’irrigation, c’est-à-dire que l’irrigation a un effet positif sur la plante à condition qu’elle soit faite sans excès.

Dans l’évolution du climat, la récurrence et l’intensité des sécheresses est la principale menace pour la survie des cultures. D’où l’importance de réfléchir la gestion à plusieurs niveaux : A la parcelle, sur l’exploitation et au niveau du territoire. La gestion de l’eau est un enjeu majeur pour nos sociétés et pour l’agriculture de demain. La vigne n’échappe pas à ce constat. Partout en France, le déficit hydrique s’intensifie compromettant la pérennité des vignobles et des exploitations.

L’irrigation de précision, via goutte à goutte, est un outil efficace dont dispose les viticulteurs pour atténuer les effets du changement climatique à condition d’avoir accès à l’eau. Ce qui est loin d’être évident avec les tensions actuelles sur cette ressource et sa disparité de répartition sur le territoire.

L'irrigation au goutte à goutte : qu'est-ce que cela signifie ?

L’irrigation au goutte à goutte est un outil performant permettant une répartition uniforme de l’eau en chaque point de la parcelle et ceux peu importe la culture et la topographie. Le producteur apporte au bon endroit (système racinaire) et au bon moment (besoins de la plante et du sol) l’eau nécessaire pour préserver le potentiel de son sol (activité biologique et chimique du sol) et répondre aux besoins de la culture.

C’est une irrigation efficiente qui répond aux besoins agronomiques tout en préservant les ressources en eau et en énergie, avec son fonctionnement à basse pression.

L’autre avantage est sa flexibilité et son pilotage précis. Le producteur peut piloter son irrigation en fonction du sol, du climat, des besoins de sa plante et de son objectif de production. Le pilotage de l’irrigation est un point clé pour la vigne.

La prise en compte du couple sol/culture est essentielle dans le pilotage de l’irrigation. En fonction de son sol (texture, profondeur, etc.) et de sa culture (enracinement, besoins, etc.), le viticulteur pourra déterminer des fréquences et des durées d’irrigation.

Aujourd’hui, il existe tous les outils pour permettre aux viticulteurs de suivre, contrôler et piloter son irrigation aux plus près des besoins de la vigne et de ses objectifs de production.

Aspect réglementaire :
Avant de parler de l’intérêt de l’irrigation de précision pour la vigne, il convient de faire une mise au point sur l’aspect réglementaire y référant dans l’Union Européenne et en France. Dans l’Union Européenne, l’irrigation est en général autorisée pour le raisin de cuve que sous certaines conditions ou n’est pas autorisée et soumise à dérogation.

En France, l’irrigation des vignes aptes à la production de raisins de cuve pour les appellations viticoles est interdite ou sous à autorisation du 1 mai au 15 aout. Cette demande d’autorisation est permise si et seulement si la possibilité d’irriguer durant cette période est inscrite dans le cahier des charges de l’appellations. Cette demande d’autorisation est à renouveler chaque année en cas de déficit hydrique sévère impactant la qualité de la production. Seulement 30% des appellations en France (regroupées dans le Sud de la France principalement) ont intégré la possibilité d’irriguer sous autorisation en cas de déficit hydrique sévère.

L’article D665-17-5 du Code Rural  est clair « l’irrigation de vignes aptes à la production de raisins de cuve est interdite du 15 aout à la récolte ». Aujourd’hui, cette interdiction est remise en cause pour des raisons agronomiques et de pérennité des vignobles. Le ministère de l’Agriculture a annoncé la fin de cette date butoir lors du conseil spécialisé vin de FranceAgriMer de décembre 2022. Le Code Rural devrait être réécrit pour supprimer cette date dès le millésime 2023.

Si beaucoup d’appellations interdisent l’irrigation, l’intensité des contraintes hydriques les poussent à réfléchir à l’utilisation encadrée de cet outil.

L’irrigation de précision et la vigne :
En France, l’irrigation a mauvaise réputation. Elle est vue comme un outil d’augmentation du rendement au détriment de la qualité. Or, ce n’est pas vrai à condition de gérer son irrigation sans excès.

  • L’irrigation, seul, ne permet pas d’augmenter le rendement. Le rendement est défini, majoritairement, par la taille de l’hiver et la charge en bourgeons. L’irrigation permet, seulement, l’expression du plein potentiel de la vigne pour un millésime donné. Il ne faut pas oublier que la vigne est soumise à un ensemble de facteurs biotiques et abiotiques.
  • L’irrigation stimule la croissance végétative de la vigne et permet le maintien d’une surface foliaire active ce qui est important pour le développement des baies de l’année mais aussi pour le potentiel de production de l’année N+1. De ce fait, elle agit sur la fertilité.
  • Le fait de limiter le déficit hydrique favorise la division cellulaire des baies, ce qui va déterminer le volume des baies. Une contrainte hydrique trop élevée à ce stade limite la multiplication cellulaire et, par conséquent, limite le volume de la baie et donc le rendement.

Une gestion modérée de l’irrigation permet à la vigne l’expression de son potentiel pour un millésime donné. Jamais d’excès, le but est de trouver un équilibre quant au développement végétatif de la vigne et le développement des baies.

Concernant la qualité, il faut déjà déterminer ce que l’on entend par qualité. Le raisin de cuve a cette particularité de donner des produits finis divers en fonction du terroir, du style de vin recherché et des millésimes. Que l’on souhaite faire du rosé, du blanc, du rouge ou tout autre style de vins, on va rechercher une certaine typicité de produits, certains arômes, une certaine coloration et une complexité est qui propre à chaque vigneron. Pour ces raisons, on ne pilote pas l’irrigation de la même façon pour faire du rosé ou du rouge.

Pour le raisin de cuve, généralement, le pilotage de l’irrigation consiste à gérer une contrainte hydrique modérée plus ou forte à certains stades pour aider à l’expression de tel ou tel arôme.

  • En favorisant le maintien d’une surface foliaire active durant la véraison, l’irrigation facilite le chargement en sucre et augmente l’acidité de la baie. Dans la grande majorité, la maturité est plus précoce sur une parcelle irriguée que non-irriguée.
  • En cas de contrainte hydrique trop importante, notamment au moment de la véraison, on peut avoir un blocage de maturité et un flétrissement de la baie qui pénalise la récolte. En se flétrissant, on observe une concentration des sucres et une diminution de l’acidité dans la baie.

Encore une fois, un pilotage correct de l’irrigation, sans excès et bien positionné, permet d’accompagner le plein potentiel du vignoble pour un millésime donné (intégrant le climat, la pression phytosanitaire, le travail du viticulteur et les aléas climatiques.). En d’autres termes, l’irrigation n’alterne pas le terroir, ni l’effet millésime si elle est pilotée sans excès.

Que ce soit la filière vitivinicole ou les autres filières agricoles, tous cherchent des moyens pour s’adapter au changement climatique pour une agriculture plus résiliente, durable, respectueuse des sols, de l’environnement et des Hommes.

L’irrigation de précision est UN des outils dont dispose le viticulteur. Mais, l’adaptation du vignoble au climat passera par une prise en compte globale du système agraire viticole : matériel végétal (porte-greffe, cépage résistant, …), conduite du sol (enherbement, vie du sol, enracinement, …), technique culturale (densité, palissage, taille, …), agroforesterie et l’irrigation. Et certainement de nouvelles techniques apparaitront au fur et à mesure des recherches. Il n’y a pas de recette miracle mais des combinaisons d’outils à déterminer en façon des terroirs, des productions et des Hommes.

Concernant le climat, les épisodes de sécheresses sont sans nuls doute les plus importantes menaces pour la production agricole que ce soit en France ou dans le Monde. Pour atténuer ces déficits hydriques récurrents, l’irrigation de précision est un outil performant à combiner avec la sélection de nouveaux cépages, de nouvelles techniques de taille, un travail du sol différents, etc.

A noter que l’on peut utiliser l’irrigation au goutte à goutte pour alimenter la culture en éléments nutritifs, ce que l’on appelle la Nutrigation. Le principe : utiliser l’eau comme vecteur d’absorption des éléments minéraux et suppléer les carences du sol à certains stades. Comme pour l’irrigation, son utilisation doit être raisonnée et modérée en vue d’éviter d’éventuels déséquilibres.